samedi 2 février 2008

Une nuit au sambodrome




















Un danseur est hissé pour prendre place sur le char. Une école attend dans l'ombre et la concentration son passage dans le sambodrome.
Il nous a fallu près d’une heure à pied pour rejoindre notre tribune car tout le quartier a été bloqué et les transports en commun n’y avaient pas accès. IMMAGINEZ, près de 80 chars circulant dans la ville des ateliers au sambodrome et plus de 30 000 défilants qui doivent s’organiser pour entrer dans l’avenue de façon très ordonnée, précise et ponctuelle. C’est une vraie fourmilière, les coulisses du carnaval. Aucun touriste n’y est présent (ils arrivent en taxi ou bus Tour Opérator). Une grande tribune borde l’avenue qui précède l’entrée du sambodrome et permet à tous ceux qui n’ont pas eu de place d’assister au défilé. Des vendeurs ambulants proposent à boire et à manger, la nuit est longue, le défilé commence à 20h et se termine au petit jour. Cette nuit, 10 écoles sont passées, une par une, la piste est nettoyée entre chaque passage, tout s’enchaîne très vite et très bien, c’est remarquable. Il faut une heure à chaque école pour traverser le sambodrome, au-delà, elle perd des points. Il y a environ 8 chars et plus de 3000 personnes pour une école, c’est impressionnant.
La sécurité est exceptionnelle, à la mesure de l’évènement. Il faut passer un portillon de sécurité pour accéder au sambodrome puis se servir d’une carte magnétique pour enter et sortir de sa tribune.
Durant le défilé, des marchands ambulants distribuent café, glaces et capes de pluie selon le temps. D’autres ramassent les cannettes vides (l’aluminium se revend). La plupart amène carrément leur glacière et pique-niquent sur place.

Comitê de frente




Le comité d'accueil. Ce sont quelques danseurs qui exécutent une chorégraphie élaborée et qui ouvrent le défilé.

Puxadores


Les chanteurs et musiciens

Alas









Alées composées des membres de l'écoles de samba

Incidents

Aussi bien organisé que peut être le carnaval, des incidents plus ou moins importants arrivent de toute façon lors du défilé.
Un élément d’un des chars s’est cassé sous le poids et l’agitation d’un danseur. Il est tombé de bien 4 mètres de haut et s’est évanoui. Ses jours ne sont pas en danger.
Une lampe s’est enflammée, le feu a manqué de peu les plumes d’un danseur. Les pompiers sont intervenus juste à temps.
Un autre char a dévié de sa trajectoire vers les tribunes. C’était la panique. Il a fallu le faire reculer, l’école a perdu des points.
Un char trop haut a touché la passerelle de la télévision, sans dommage.

La pluie, elle, n'a rien entravé.

Alas





Baterias




Les percussionistes

Baianas





Velha Guarda


Les vétérans

Les Reines des écoles






Chars allégoriques





Chars allégoriques






Il y a plus ou moins 8 chars pour chaque école, les costumes y sont très élaborés.

Mestre Sala et Porta Bandeira






Ces deux personnages présentent le drapeau de l'école

Les dessous de carnaval


Derrière les plumes et les paillettes, le faste et la renommée, la face cachée du carnaval n’est pas aussi brillante que l’on pourrait croire. La samba et les écoles de samba sont à l’origine l’apanage des Noirs et du peuple. Progressivement, avec le succès, les Blancs ont pris les rênes des écoles de samba ; la stratification sociale brésilienne se retrouve dans l’organisation du défilé : au sommet des chars se trouvent généralement des personnalités blanches qui payent très cher pour y figurer et qui ne savent même pas danser (photo). Il y a un nombre décroissant de Noirs, ce ne sont qu'eux qui poussent les chars (photo). Certaines écoles font payer cher les costumes et les Noirs (en général peu fortunés) y sont exclus de ce fait. Le carnaval est une entreprise qui rapporte beaucoup d’argent.( Il crée aussi beaucoup d'emplois, 850 000 cette année, selon le journal O DIA). C’est un peu comme le foot sauf que les joueurs, eux, sont payés ; là, ce sont les gens qui payent pour défiler. Or ce côté spéculateur tue la spontanéité et la sincérité du carnaval, c’est un peu ce qui ressort de cet évènement malheureusement. C’est un attrape-touriste idéal au sommet de sa gloire. Heureusement, le carnaval populaire de rue reprend du poil de la bête. En parlant avec les gens du public (nous étions dans une tribune dite « populaire »), c’est l’indignation qui ressort le plus de leurs discours à ce sujet. En partant à 4h du matin sous une pluie battante, les gens, dans un "état second", contents, se dispersent, décostumés, ou attendent le premier service des transports en commun pour rentrer chez eux après une année de travail et 1h de défilé sous les yeux du monde entier.
Le caractère éphémère du carnaval, la joie et l’allégresse de ceux qui le portent dans leurs tripes, qui donnent tout pour ce moment de transe et grâce à qui tant d’argent tombe dans les poches des organisateurs, tout cela, ce mélange de contradiction, d’ingratitude, d’injustice, de beauté, de perfection et de folie me laisse bien songeuse. Mais devant une telle concentration de tout ce qui peut qualifier l’être humain, de bon et de mauvais, on ne peut se sentir que plus vivant !